On pourrait qualifier ses photographies de « documentaires », chargées d’humanité, immergées dans un monde habité. Mais cette immersion dans le réel ne s’appuie sur aucune certitude, ne cherche aucune démonstration : c’est autant l’état du monde qu’une façon d’être au monde qui sont à l’œuvre ici. Car le réel ne s’offre pas, photographier est pour lui une construction, la mise en forme d’une subjectivité bienveillante. Son travail photographique propose une profusion de visions transfigurées par la lumière, à la composition rigoureuse, des séries de variations obstinées empreintes d’une discrète étrangeté.
JAURÈS est un travail de longue haleine et de proximité. Autour du métro aérien, un carrefour au cœur du Paris populaire dans le dix-neuvième arrondissement – à Jaurès donc – Bernard Gomez revient en arpenteur sans que s’épuise son désir de regarder. Le territoire exploré inlassablement devient le théâtre de l’inscription des corps, figés dans l’attente ou saisis dans leur mouvement ; du croisement des regards, enclos en eux-mêmes ou projetés vers un ailleurs indéchiffrable. C’est le lieu de la rencontre, aussi intense dans le face-à-face du portrait que dans l’instantané du frôlement. Les passants de Jaurès nous offrent alors un aperçu de leur âme, une plongée dans l’énigme de leurs vies. Ces présences émeuvent, figures humaines et objets fatigués parlent ici du même usage : celui d’un monde commun.
Photographies. 90 pages noir et blanc / Format A4 / Papier couché 135 gr / Dos carré collé. 18€